lundi 24 avril 2017

Nouvelle vague

Les meilleures choses n'ont ni fin ni faim seulement un coup d'envoi. Vendredi 21 avril, à 17h (restons précis, Gariguette arrivée la première fait loi et foi), Les Quinconces se sont formés à Treignac (Corrèze) selon la forme convenue. Il s'agissait de la deuxième édition du rendez-vous des bloggeurs de Côté Ouvert. Sur cette nappe en papier du bistrot girondin susnommé qui circula vous êtes désormais vingt-et-un signataires de la Magna Carta - en comptant Pipiou. Et comme tout est bon dans le cochon, personne ne se dédit.

Le contenu d'un frigo costaud et profond comme un ballon-porté briviste et copieusement alimenté (à ce sujet, Tautor pense à monter une boucherie ovalie) y compris en liquides divers n'est pas venu à bout de notre solide appétit pour l'amitié, le ballon ovale, les éclats, les saillies et l'aventure humaine dans toute sa diversité. Les nourritures de l'esprit furent plus fédératrices que les terrestres, encore que les plats de notre maître queue Alain surent faire l'unanimité. A la table ovale, "notre rencontres" fut fêtée comme il se doit. Je tiens au pluriel : il est notre marque de fabrique, notre "je sauvage", notre illimité.

Vous l'avez demandée alors la voici . Cette photo d'équipe date du samedi après-midi. De gauche à droite, debout : Michel Prieu, Gérard "Le Gé" Sainson, Alain "Tautor" Sauné, Richard Escot, Jacques "Pipiou" Labadie, André Bœuf, Michel Mallier, Frédéric Boy, Serge "Sergio" Eynard et Christian Badin. Assis : Isabelle "Pimprenelle" Capdeville, Benoit Jeantet, Eric Laylavoix (consultant formation), Georges "82" Grigorciuk et Sylvie "Gariguette" Colliat. Manquent Jean-Louis Dupont (dont Tautor sait nous parler) et Michel Lizeaux, présents le vendredi soir mais partis le samedi à regrets.
Le matin nous fûmes six sur la plage du lac. Sable blanc et courant continu pour un "toucher" d'anthologie au cours duquel nous avons pu admirer Michel (notre sage du green) aligner les feintes de passes au point d'enrhumer Richard et Benoit, et sentir les ceinturages noueux à l'irlandaise signés Sergio. André était placé à la passe et Isabelle distribuait les oranges bienvenues. A l'exception de Christian et de Jean-Louis, authentiques internationaux, nous autres n'avons pas joué au rugby, "nous en avons juste fait un peu", bémolise Benoit à juste titre. Mais le lendemain au réveil, courbatus, nous avons douloureusement (re)trouvé des muscles que nous avions perdus...

A l'Hôte du Lac, nous avons commencé cette rencontre(s) par évoquer Webb Ellis au long cours d'un apéritif de neuf heures chrono pour la conclure avec l'esprit de Jiddu Krishnamurti et étancher notre soif dans la soie d'une liqueur de mandarines déposée par Le Gé. C'est dire le chemin que nous avons parcouru en trois jours et deux nuits. Surnommée "l'énigme du lac" par Sergio, Primprenelle est restée en suspension quand Benoit, alerté nocturnement par Jean-Louis sur les dérives de la commission de discipline concernant le barème des sanctions, proposait pour retrouver le jeu à la main une solution H qui est à l'en-avant coupable par paquet de dix ce que le Synthol est à l'abus de percussion dans l'axe.

Georges, stoïque, fit la sourde oreille au chant des sirènes qui se languissaient en terrasse comme sur les berges du lac. C'est alors que Tautor, généreux médicalisateur, lui dit : "Tu sais, on n'entend bien qu'avec son cœur" en citant Voltaire à la belle étoile, celle que l'on suivait dans notre ciel corrézien. C'est comment cela que les absents - dont on ne parle jamais autant que lorsqu'ils ne sont pas là - et les éloignés se trouvèrent à Treignac avec nous. Vrai. Sylvie et Alain se sont même proposés d'aider les plus hermétiques à décrypter le zarmaou.
Choisi par Christian, notre thème de travail ciblait la formation (nous, c'est les Quinconces, hein ?) et nous y reviendrons la semaine prochaine, promis. Le docteur Tautor a d'ailleurs signé une ordonnance à ce sujet. Mais avant de suivre cette prophylaxie oblongue, restons encore un moment sur le Quinconces 2. "Je n'avais pas de doute sur l'issue de cette rencontre", poétisait Michel juste avant le coup de sifflet final lors d'un balade apéritive sur les berges du lac (cf photo ci-dessus : Georges, Pipiou, Sergio, Benoit, Michel, Fred, Tautor, Le Gé). Nous étions bien sur la même langueur d'onde, même si Pimprenelle, à son corps défendant, fit reculer la parité d'un siècle en prenant d'assaut la cuisine, soutenue par Tautor, commissaire magret dont la patte culinaire s'ajoute à une palette déjà bien garnie.

Seule ombre au tableau, la défaite du Stade Rochelais face à Gloucester en demi-finale de Challenge européen qui me plongea dans une humeur aussi noire que le maillot des Maritimes coulés dans leur port de Deflandre. "Tendu", remarquera André en tirant sur le fil. Mais la fumée des Monte Cristo torpédos tournoyaient en terrasse face à l'amer pour atténuer l'ire fraîche citronnée au rhum arrangé. Christian a écrit sur la Magna Carta ce qui pourrait, si vous en êtes d'accord, devenir notre linéature : "Les plus belles rencontres sont celles de l'on partage !" Qu'en pensez-vous ?

Spécialiste du golf et de son logos, capable de faire tenir le corpus philosophique de l'apprentissage et du perfectionnement sur un parcours sans être pris en grippe, Michel, notre Gandhi des fairways, n'a pas eu cependant assez de chance après avoir accepté mon invitation à choquer les boules au billard américain qui ne compte pourtant que six trous, laminé qu'il fut malgré les encouragements de Pimprenelle, tandis que Georges activait la distribution des pruneaux sous l'œil de notre gendarme d'hôte et du mannequin déguisé au comptoir que nous ne manquions jamais de saluer avant d'aller nous coucher...
Comme à Las Vegas, ce qui s'est passé à Treignac y restera. C'est le serment de vignes que nous essayerons de tenir entre deux rasades de Cornas. Georges préférant s'exiler de peur d'être réveillé par la circulation - dense, dixit André - sur le chemin de Compostelle, les autres eurent la chance (ou pas) de composer un théâtre à l'antique, unité de lieu, de temps et d'action, dans ce gite qui en avait un peu au grand vent, subtilement composé de chambres hommages à l'école de Brive - Claude Michelet, Christian Signol, Michel Testut, Marie-Bernardette Dupuy, Colette Laussac, Gilbert Bordes et Michel Peyramaure, avec ouvrages des auteurs dans la table de chevet. Un bonheur. Manquait juste Denis Tillinac, Yves Viollier, Jean-Guy Soumis et, dixit Zarmaou, Jacques Peuchmaurd. Mais il n'y a que sept chambres à l'étage.

Difficile de rendre par des mots l'émotion qui fut, qui est et qui sera encore la nôtre pour quelques temps de nous retrouver ou de nous découvrir. De se reconnaître. Soi à travers les autres, riches de confidences; les autres avec soi, en complicité. Imaginez : nous n'étions pas encore partis ce dimanche 23 avril que nous avions déjà imaginé l'agenda du troisième Quinconces entre Rhône, Aveyron et Vézère, à suivre... "Fait court !". D'accord, Fred, j'ai compris, mais il me faut trouver une chute. Peut-être dans cette citation de Thoreau face à son lac comme nous devant notre retenue pas si étale : "Tu dois vivre dans le présent, te lancer au-devant de chaque vague, trouver ton éternité à chaque instant."

lundi 17 avril 2017

Départ immanent

Marqueurs d'une époque qui reprit l'idée de "Renaissance" à travers la publication d'essais qui traitaient plus particulièrement de la Nature il y a presque deux siècles de cela, plusieurs auteurs, s'agissant d'une déclaration d'indépendance intellectuelle, appelaient au réveil des consciences et à la révolte des esprits. Mais surtout à la réalisation de soi. Le sillon d'utopie qu'ils ont tracé remonte jusqu'à nous à travers l'esprit de résistance et de désobéissance civile.

Seul vaut l'idéal. L'aspiration. Par le haut. Ralph Waldo Emerson écrivait : "C'est toujours notre propre pensée que nous percevons". Ou quand le monde extérieur est l'expression de ce qui se joue dans notre esprit. Voire l'attaque au large en représentation d'un crochet intérieur. "L'imitation est un suicide. En vous-même sommeille la Raison tout entière : c'est à vous de tout connaître, à vous de tout oser. Nous avons trop longtemps écouté les muses polies." Tout est symbole et reste à déchiffrer.

Porteur de ses sources et de ses impulsions premières, chaque individu doit être considéré comme créateur et non comme acteur. Ou alors à moins de trouver ses mots, ses formes ; en somme d'écrire son texte. "Ce que je dois faire c'est ce qui me concerne, pas ce que pensent les gens" ajoute le père fondateur de la littérature américaine. Tout est affaire d'expérience individuelle et intérieure. Et personne ne détient l'autorité puisqu'il s'agit de communiquer.

Sommes-nous capables de nous libérer du passé ? Voilà une des questions que nous pourrons soulever ensemble à Treignac, ce week-end, autour de liqueurs et de mets choisis. Emerson encore : "Une grand âme n'a rien à voir avec la cohérence. Dis ce que tu penses aujourd'hui en mots durs, et demain dis ce que demain pensera, en mots durs encore, même si cela contredit tout ce que tu as dis aujourd'hui. Ah ! vous serez sûrement incompris ! Etre grand, c'est être incompris."

Quelques incompris - Charles Lane, Orestes Brownson, George Putnam, Jones Very, James Clarke, Elisabeth Peabody, Christopher Cranch, Theodore Parker, William Channing, Convers Francis, Frederick Hedge - firent corps dans une ferme mise à leur disposition par le journaliste George Ripley. Tous les brillants esprits ne se retrouvaient pas dans cette association installée non loin de Boston (Massachusetts) : Waldo Emerson, Margaret Fuller et Bronson Alcott préféraient discourir à Concord devant le lac Walden, chez Thoreau.

Allergiques aux statuts et au formalisme, ceux qu'on appelait les "Transcendantalistes" ne laissèrent à la postérité aucune doctrine, aucun système de pensée. Les historiens de la littérature américaine n'accordent d'ailleurs qu'une petite place à ce pack alors qu'il fut le premier à se débarrasser du corset des conventions héritées du puritanisme. Allez, aucune comète n'étant prévue au-dessus de Treignac, ce week-end, nous éviterons donc de théoriser.

Rendez-vous est fixé à l'Hôtel du Lac, vendredi 21 avril à l'heure de l'apéritif. Les derniers retours s'effectueront dimanche 23, après le déjeuner, histoire d'avoir le temps de voter. Aux côtés d'Eric Laylavoix, CTR du Limousin et ancien encadrant de l'équipe de France des moins de 21 ans, l'ancien centre international Christian Badin éclairera la formation française ; Tautor sera accompagné d'un autre Tricolore, le talonneur agenais Jean-Louis Dupont, et fondateur du club de Treignac. Personne n'aura oublié ses spécialités régionales et ses affaires de sport pour un "toucher" entre nos interventions en cuisine et en terrasse.

Pas de programme, rien que du "je" libre. Les caractères "à l'aile" croiseront "le faire" avec les adeptes des "piques en gros". Plaisir de se retrouver, d'échanger, d'imaginer, de relancer. Du rugby en Quinconces... De mémoire, nous étions douze au premier regroupement girondin. Après Bordeaux voici donc venir Treignac et pour ceux qui me posent la question, nous devrions être seize : Tautor, Jean-Louis, Frédéric, Sergio, Benoit, Ritchie, Michel P., André, Gariguette, Georges, Pimprenelle, Gérard, Pipiou. Plus Michel M., Christian et Eric (Laylavoix) le samedi. Plus quelques surprises locales...

Comme Jean-Pierre Rives avouant qu'à force de scruter le ciel et de ne rien voir venir, il préférait regarder autour de lui, j'ai moi un faible pour l'horizontalité, le propos à hauteur de. L'immanence dépend de nous. De chacun de nous. C'est pour cela que le Quinconce prend sens. Au-delà du clavier et de l'écran, de l'intervention masquée pour certains, de la crainte de se révéler en se livrant tout entier, visage et esprit, cette mêlée ouverte va serrer nos liens.

Antoine, Christophe, Bruno, Jean-Michel, Romain, Benoit, Bernard, Vincent, Georges, Alain, Eric : les pionniers du Côté Ouvert ont ouvert une voie qui sert autant à gravir qu'à graver. D'autres les ont rejoint et c'est avec impatience que j'attends de mettre un visage sur quelques noms, d'entendre le timbre des voix. A la façon d'un rendez-vous au club-house ce blog - c'est sa particularité - ne se situe pas dans le virtuel : il est sensible. Ce qui le rend unique, 

En période électorale, il sera difficile de ne pas être rattrapé par la politique tant elle se donne en spectacle. Sans doute dans la salle qui nous est dévolue y parviendrons-nous. Ou pas. Tracerons-nous les premières lignes d'une lettre aux édiles, ou bien à plusieurs mains la chronique d'un Côté Ouvert hors du commun ? Mystère. Quoi qu'il en soit nous sommes en route. Et la destination compte autant que le trajet.

jeudi 6 avril 2017

Terre rare

En cette période ovale irrespirable de médiocrité sportive et de guerres picrocholines, l'air de l'Atlantique et le jeu des Rochelais aussi à l'aise en Challenge européen qu'en Top 14, sont à l'évidence pour beaucoup autant de bouffées d'oxygène. A l'évidence car j'entends et lis depuis quelques semaines à quel point la saga maritime fait des heureux. Comme diraient Michel Audiard et René Fallet, le drapeau noir flotte sur la marmite. Laissons-le voleter. Pour ma part, je vais profiter de cette marée pour prendre le large pendant une dizaine de jours.

L'apparition de ce maillot remonte à 1967. Les médias, qui s'intéressaient peu au Stade Rochelais à cette époque, surnommèrent les coéquipiers d'Henri Magois et de Dominique Bontemps les All Blacks de l'Atlantique. Depuis l'école de rugby, priorité était donnée au jeu d'avants, à l'occupation du terrain et à la rigueur défensive. Les premiers conseils distillés par MM. Bas et Puyfourcat, nos éducateurs, étaient périphériques : nettoyer et cirer nos chaussures à crampons après chaque entraînement ; bien serrer nos lacets au début de chaque séance en les faisant passer sous le talon ; aller régulièrement chez le coiffeur. Le rugby n'était pas un sport de «beatnik» - plus tard, les tenants de la coupe courte diront «Pink Floyd» - entendait-on du côté de La Grenouillère. 

Jadis un marais, cette plaine des jeux était séparée du stade Marcel-Deflandre par une zone de HLM, Port-Neuf, terreau du club. Toute une génération d'attaquants sortira de ces cages d'escaliers aux côtés des frères Morin, Elissalde et Désiré. L'axe constitué de Marcel-Deflandre, Port-Neuf et La Grenouillère se prolonge par les Terres Rares, zone industrielle dont le joyau fut longtemps constitué d'une usine de produits chimiques d'où montait une fumée opaque. Quand le vent vient du large - c'est souvent - elle enveloppait la plaine des jeux. J'ai encore son goût acre dans le palais quand je repense à mes débuts, poussin jaune et noir.

Dans les années 60, le Stade Rochelais aurait pu devenir champion de France. Son pack compact assurait l'essentiel du travail, mené à l'arc à souder par Arnaud Elissalde depuis son poste de demi de mêlée. Aucune fioriture,si ce n'est les paraboles de Nono, paroles d'Evangile. Pas d'internationaux au club où il n'est question que de camaraderie et de foi. Malheur à qui dérogeait aux règles édictées. Trois fois, la promesse fut stoppée par l'US Dax en quart de finale. Une malédiction. Aujourd'hui, les Dacquois sont en ProD2. Qui arrêtera le Stade Rochelais ?

Les années 70 furent celles des juniors. Trois fois champions de France entre 1971 et 1974 avec des gamins formés à l'école de rugby rochelaise, épanouis par un éducateur hors-pair, Jacky Adole, ancien troisième-ligne centre, période Nono. Ils jouaient en lever de rideau de l'équipe première et les tribunes de Marcel-Deflandre étaient garnies dès 13h30 pour admirer leur vastes mouvements, apprécier leurs initiatives collectives, et il n'était pas rare qu'ils marquent plus de cinquante points à leurs adversaires à une époque où l'essai n'en valait que trois.

Jacky Adole* et mon père sont amis. Il est en quelque sorte mon parrain de rugby. Â la maison, chaque test-match des All Blacks en France était décortiqué devant la télé les samedi après-midi de novembre. C'est à ce festin de miettes que je fus nourri, enfant. Devenu entraîneur de l'équipe première, Jacky Adole participa en 1977 à la célèbre controverse Graham Mourie dans le club-house de la tribune d'honneur. Fallait-il ou non accepter la venue du capitaine des All Blacks pour six mois ?

Jacky suggéra un vote ouvert à tous, dirigeants, éducateurs et joueurs. La réponse démocratique du club à l'intégration de Mourie fut négative au motif que ce visiteur prendrait la place d'un enfant du club, en l'occurrence Dominique Dieu, troisième-ligne aile de petit format, taillé dans un triangle, plaqueur féroce et ami de tous, en particulier des juniors de sa génération. Pas question de sacrifier un Rochelais pour le capitaine d'une équipe mythique. Autre temps, autres mœurs. Aujourd'hui, les dirigeants rochelais recrutent Kerr-Barlow, troisième demi de mêlée All Black quand ils disposent de Jules Le Bail formé au club, le Springbok Rico Januarie, mais aussi Alexis Balès et Arthur Retière, international moins de vingt ans.

Cette même année 1977, un différend irréconciliable sur l'avenir du rugby rochelais entre Jacky Adole et la famille Elissalde déboucha sur le départ de Jean-Pierre vers Bayonne. Trois ans plus tard, son retour fut synonyme de révolution stratégique : liberté aux trois-quarts dans la mesure où le pack n'était plus dominateur. Le club s'ouvrit au large, l'Irlandais David Hickey et les Néo-Zélandais Jim Kururangi et Steven Hansen (si, si, l'actuel coach des All Blacks) élargirent la palette rochelaise, qui eut aussi par la suite sa période argentine (Graco, Merlo, Llanès, Giannantonio). Mais ce sont principalement les hommes du Long Nuage Blanc qui permirent au Stade Rochelais de grandir.

Pierre Albaladejo l'assure : «Un bon dirigeant vaut trois internationaux». Le Stade Rochelais, en élisant régulièrement Vincent Merling à la présidence depuis l'été 1991, s'est donné le meilleur viatique qui soit. Ancien troisième-ligne aile passé par Mérignac, champion de France juniors, équipier premier (son frère Yves-Marie jouait centre), chef d'entreprise, Vincent Merling structure le club autour d'un principe : «Pas d'homme providentiel, le Stade Rochelais appartient à tous». Cinq cents partenaires plutôt qu'un mécène, ne dépenser que ce dont on dispose, agrandir l'enceinte étape par étape (de 5 000 à 16 000 places assises en vingt-cinq ans).

Je l'avoue, le 22 août 2015, j'ai douté du bien fondé de toute cette émancipation. En ouverture du Championnat, l'équipe rochelaise, sifflée par son public, se rendit sans combattre face à Clermont, encaissant cinq essais sans en inscrire un seul. Fallait-il vouloir grandir dans l'élite en recrutant tous azimuts et en attirant le chaland deux cents kilomètres à la ronde pour en arriver là ? Mais les enfants de La Grenouillère ne se sont pas gonflés d'aise et d'orgueil jusqu'à exploser : deux ans plus tard, le Stade Rochelais leader du Top 14  avec un budget à l'équilibre et un stade à guichets fermés a décidé de verser une partie de ses bénéfices billeterie à l'association «1% pour la Planète». Sur l'ancien marais s'élevera bientôt un centre de formation dernier cri à l'usage de toutes les équipes du club.

* Pour mieux connaître le Stade Rochelais, je vous conseille «Mon sac de rugby», écrit par Jacky Adole, préface de Pierre Albaladejo. Editions Atlantica (2002).